Aux termes de l’article L.1235.10 al. 2 du Code du travail, un Plan de Sauvegarde pour l’Emploi , dit P.S.E., doit être apprécié au regard des moyens dont dispose l’entreprise, l’unité économique et sociale ou le groupe.
Ainsi, les tribunaux sont régulièrement interrogés sur la définition du périmètre des P.S.E., à savoir que « La Cour de cassation a été conduite à préciser que l’obligation d’établir un plan de sauvegarde de l’emploi incombant à l’employeur, c’est au niveau de l’entreprise qu’il dirige que doivent être vérifiées les conditions d’effectif et de nombre des licenciements imposant l’établissement et la mise en oeuvre d’un tel plan (Cass. soc., 28 janv. 2009 : JurisData n° 2009-046860 ; JCP S 2009, 1176, note F. Dumont). Dans un arrêt en date du 16 novembre 2010, la Cour de cassation revient sur cette solution. Elle donne ainsi un nouvel intérêt à la notion d’unité économique et sociale (UES). La chambre sociale indique, par une formule dépourvue d’ambiguïté, que « si les conditions d’effectif et de nombre de licenciements dont dépend l’obligation d’établir un plan de sauvegarde de l’emploi s’apprécient au niveau de l’entreprise que dirige l’employeur, il en va autrement lorsque, dans le cadre d’une unité économique et sociale, la décision de licencier a été prise au niveau de cette UES ». Or, la cour d’appel avait constaté que les projets de licenciements économiques soumis au comité d’entreprise de l’unité économique et sociale avaient été décidés au niveau de la direction commune aux sociétés la composant. Par conséquent, les conditions qui imposent l’établissement d’un plan de sauvegarde de l’emploi devaient être vérifiées dans l’ensemble de l’UES. La direction de cette UES avait commis une fraude, selon la cour d’appel, en divisant artificiellement le nombre de licenciements envisagés afin de se soustraire à l’obligation de mettre en oeuvre un plan de sauvegarde de l’emploi. En effet, deux projets de licenciements avaient été élaborés, à quelques mois d’intervalle, concernant respectivement huit salariés puis les douze salariés restant d’une des sociétés composant l’UES. Les juges ont fait droit à la demande des salariés ainsi licenciés ; leur licenciement a été déclaré nul pour absence de plan de sauvegarde de l’emploi. Cette solution présente le mérite de renforcer les droits de salariés concernés par un projet de licenciements décidé au niveau d’une unité économique et sociale. Elle met également en cohérence les règles relatives à l’obligation d’établir un plan de sauvegarde de l’emploi avec celles concernant la validité de ce plan qui doit être appréciée au regard des moyens dont dispose l’entreprise, l’UES ou le groupe (C. trav., art. L. 1235-10) ». (La Semaine Juridique Edition Générale n° 49, 6 Décembre 2010, 1212, L’unité économique et sociale, périmètre d’établissement d’un plan de sauvegarde de l’emploi).
L’unité économique et sociale est une notion qui a été créée par la jurisprudence avant d’être consacrée par la loi du 28 octobre 1982 (C. trav. art. L. 2322-4). Elle a pour objectif de regrouper plusieurs sociétés juridiquement distinctes pour satisfaire aux seuils d’implantation des institutions représentatives du personnel.
L’unité économique et sociale ne peut que regrouper des entreprises juridiquement distinctes prises dans l’ensemble de leurs établissements et de leurs personnels (Cass. soc., 7 mai 2002 ; JCP E 2002, 1688, note M. B. Salgado ; Dr. soc. 2002, p. 719, obs J. Savatier et p. 720, note P.-H. Antonmattei). En conséquence, une unité économique et sociale ne peut être reconnue entre certains établissements d’une même entreprise (Cass. soc., 21 nov. 1990, n° 89-61.217, 89-61.218 : JurisData n° 1990-703348 ; Bull. civ. 1990, V, n° 578) ou uniquement entre des établissements appartenant à des sociétés distinctes (Cass. soc., 13 janv. 1999 ; RJS 1999, n° 230).
L’unité économique et sociale n’a pas la personnalité morale. Pour la Cour de cassation, « si la reconnaissance d’une unité économique et sociale permet l’expression collective de l’intérêt des travailleurs appartenant à cette collectivité, elle ne se substitue pas aux entités juridiques qui la composent, de sorte qu’elle n’a pas la personnalité morale« . En conséquence, un accord collectif « ne peut faire d’une unité économique et sociale l’employeur des salariés » (Cass. soc., 16 déc. 2008, n° 07-43.875 : JurisData n° 2008-046307 ; JCP S 2009, 1140, note G. Blanc-Jouvan).
L’unité économique suppose la réunion de deux critères. Le juge doit tout d’abord constater l’unité ou la concentration du pouvoir de direction. On se trouve par exemple en présence d’un dirigeant unique ou encore d’associés communs aux diverses sociétés (Cass. soc., 15 janv. 2002 ; RJS 2002, n° 452). L’unité économique suppose aussi une identité ou une complémentarité des activités (Cass. soc., 3 févr. 1999, n° 98-60.320 : JurisData n° 1999-000718).
A côté de l’unité économique, le juge doit caractériser l’unité sociale : il y a « communauté de travail » entre des sociétés distinctes (Cass. soc., 26 mai 1998 ; RJS 1998, n° 876). Divers indices sont fréquemment relevés par les juges pour retenir l’unité sociale : identité ou similitude des règlements intérieurs, des avantages sociaux, des systèmes de rémunération, permutabilité des salariés entre les diverses sociétés […].
Aux termes de l’article L. 2322-4 du Code du travail, une unité économique et sociale peut “être reconnue par convention ou par décision de justice”. Si la loi prévoit uniquement deux modes de reconnaissance de l’unité économique et sociale, la Cour de cassation considère qu’il en existe une troisième : la reconnaissance tacite. Une organisation syndicale, soutenant qu’il existe une unité économique et sociale entre diverses sociétés, décide de désigner unilatéralement un délégué syndical. Même si elle n’établit pas à elle seule l’existence d’une unité économique et sociale, Le juge doit tenir compte de cette désignation, dès lors qu’elle n’a pas été contestée dans le bref délai légal de quinze jours prévu par l’article L. 2143-8 du Code du travail (Cass. soc., 4 mars 2009, n° 08-60.497 : JurisData n° 2009-047266 ; Bull. civ. 2009, V, n° 61 ; RJS 2009, n° 448. – A. Coeuret, Du nouveau sur la reconnaissance de l’unité économique et sociale ? : RJS 2009, p. 671).
L’action tendant à la reconnaissance d’une unité économique et sociale relève « de la compétence du tribunal d’Instance. Il en est de même de l’action aux fins de modification, par voie d’élargissement ou de réduction, du périmètre d’une unité économique et sociale« (Cass. Avis, 19 mars 2007 ; Dr. soc. 2007, p. 1251, note J. Savatier). La reconnaissance d’une unité économique et sociale peut être demandée par un syndicat représentatif, par un comité d’entreprise ou encore par un employeur (sur le sort des institutions représentatives préexistantes, V. JCl. Travail Traité, Fasc. 13-10, n° 117). Faut-il également reconnaître à un salarié le droit d’agir en justice ? Pour répondre positivement à l’interrogation, encore faut-il que le salarié appartienne à l’une des sociétés susceptibles de constituer une UES. Comme le précise un arrêt du 16 novembre 2010, « la reconnaissance judiciaire d’une UES ne peut être demandée par une personne étrangère à la collectivité de travail dont il s’agit d’assurer la représentation » (Cass. soc., 16 nov. 2010, n° 09-40.555 : JCP S 2011, 1156, note B. Bossu).
Ainsi, le cabinet ALENA propose aux instances représentatives du personnel, et notamment aux Comités d’Entreprise, de les assister dans le cadre de la négociation des Plans de Sauvegarde pour l’Emploi,et ce afin de faire reconnaître l’Unité en question aux côtés de l’expert comptable qu’elles auront choisi, ce qui permettra d’éviter un certain nombre de licenciements.
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